Poèmes de Françoise Attaix
Illustrés par José Correa
Prix : 35 €
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QUI EST-ELLE ?
Françoise Attaix. Il y a évidemment celle qu’on voit. Qu’on a vue. Sur un écran, l’Ecran présent dans tous les foyers, pendant des années, en noir et en couleur.
Et puis il y a celle qu’on ne voit pas. Qu’on n’a pas vue. Qu’on n’imagine pas. Soit parce qu’elle est cachée derrière elle-même, soit parce que notre vision est insuffisante dès qu’on a affaire à ce qui relève d’un monde d’au delà, ou d’en deçà, des apparences.
La première, paradoxalement la seconde, voire la dernière selon « ce qui est écrit », si la foi fait foi dans des domaines pas tellement éloignés les uns des autres.... La première, donc, admettons, est connue des proches, des parents, des amis, des relations, du public des téléspectateurs, auditeurs et lecteurs, enfin cela fait tellement de monde qu’on pourrait avancer qu’elle est même connue de ceux qui ne croient pas ou ne savent pas la connaître. C’est le lot de la notoriété. Et si on demande à tous ces gens-là qui est Françoise Attaix, ils vont donner un infini de réponses qui, là encore, relevant de l’univers fini sera net, précis, évident, répertorié, limité.
Mais ne dénigrons pas ce qui, dans la vie, permet sinon d ‘être du moins de se tenir debout, de marcher, de se déplacer, de résister, de se faire haïr ou applaudir, de conquérir et même de souffler, ayant l’impression que nous sommes enfin arrivés .
Mentionnons donc et pourquoi pas vantons quelques étapes d’un itinéraire dont notre célébrité a lieu d’être satisfaite. Dès 1969 elle met le petit doigt dans l’engrenage sous la forme de minces textes pour une feuille locale gratuite, première du genre, et ce pendant plusieurs saisons au cours desquelles la machine journalistique se montre de plus en plus gourmande : après l’auriculaire la main, puis le bras, etc ... On connaît la chanson. Malgré un soupçon de trivialité, disons que toute la dame y passe après l’obtention de sa carte de journaliste : correspondante du « Figaro », puis du magazine « Elle », ces degrés lui permettent de monter à la tribune des 1ers Etats Généraux de la Femme, à Versailles, comme il se doit, pour éprouver sa voix au Palais des Congrès, au sein d’un auditoire de femmes déjà ni prudes ni soumises. A partir d’un tel tremplin, FR3 radio puis TV lui tend la perche. Le saut est plus que réussi puisque la station l’intègre à plein temps en 1981 pour la présentation du Journal et de reportages spécialisés.
Dès lors tout est dit, se dit et se décline au quotidien, loin de la routine, année après année, grâce à ce qu’il faut bien appeler un talent original greffé sur une personnalité qui joue de sa séduction naturelle, qualité qui ne s’achète dans aucun paradis fiscal. D’où l’aspect conte de fée de ce parcours initiatique que le vulgaire trouve immérité sous prétexte qu’être né coiffé ne se mérite pas, alors que Cendrillon sait ce qu’il en coûte de passer de l’office au salon quand la chance et le courage précisément « décoiffent » ceux qui n’admettent pas l’heureuse mais difficile combinaison des deux. En 1998 Françoise est promue Grand Reporter et reçoit sous les sunlights le titre de « Femme de l’année » décerné par les « Femmes Chefs d’Entreprises Mondiales ».
Et récemment, en 2009, elle est nommée Chevalier dans l’Ordre national du Mérite au titre du ministère de la culture et de la communication. Nous nous joignons à ces vivats sonores et ... nous glissons subrepticement dans les coulisses, car il se passe quelque chose parmi les ombres et le silence, là où se tient l’autre femme, « celle qu’on ne voit pas » .....
L’ombre. Les ombres. Un subtil petit roman naît sur le tard : « l’Ombre d’un père » (2002). On a envie de détourner cette manière de biographie de son titre tant la narration évoque le fantôme d’un frère, par de légers flashes qui nous font remonter loin en amont, là où chante la source auprès de laquelle se tient la jeune Françoise qu’on n’a pas vue, qu’on ne voit pas, qui cependant a donné naissance - « sur le tôt » - à un bambin qui ne s’est pas laissé étouffer car, comme disait Cyrano de Bergerac : « Ce marmot, est un petit Hercule ! »
Et celui-ci babille, babille, dans le gazouillis que connaissent certes les oiseaux (Jean Giono prétend qu’avertis de la cruauté du monde, ils crient) mais surtout les poètes qui réconcilient les deux perceptions : ils crient et pleurent leurs vers, leurs rimes, leurs soupirs, dans une musique continuelle. Or Françoise se révèle spontanément des leurs, comme çà, de façon irrésistible, sans être formée ni déformée, sans être prévenue ni prévenir. Pas étonnant qu’elle demeure secrète ; elle respire simplement et sa respiration se gonfle puis se relâche encore, au rythme des tressaillements de l’âme et des palpitations de la nature.
Pour rencontrer notre « Imaginaire Dame », il n’est que de passer à gué la frontière qui sépare le visible de l’invisible vers la main tendue, la main qui note : « Aux livres on met des signets / Je mets des rimes dans ma vie / Certains mots que je désignais / m’ont fait du mal ou m’ont ravie. »
Les mots sont des pierres espacées, vocables transbordeurs qui donnent accès au fief de l’ « Héroïne bercée en des rêves fiévreux / qui atteignent souvent des pays ténébreux ... » / « Héroïne d’espoir traînant comme un long voile / tissé par la lumière pour en faire une étoile. »
L’hospitalité ne sera pas refusée à l’homme au « Grand chapeau » en qui chacun se reconnaît dans « L’étrange vagabond » qui « ... traîne ses haillons / jusqu’au prochain soleil. »
Françoise Attaix, âme lyrique, ne serait-elle pas cet astre qui apparaît tous les matins et s’efface le soir, car comme l’a avoué un autre poète : « Je passe mes journées à me faire et à me défaire. »
Nous ne sommes pas engagés dans un conflit douteux mais dans une lutte féconde où chacun expérimente le combat de Jacob avec l’Ange.
Alors entre « la femme qu’on voit » et celle « qu’on ne voit pas », y aurait-il incompatibilité ? Sans doute que non, mais pour comprendre il faut être familier du distinguo entre « Ceci est ce que je touche » et le « Cela est d’un autre ordre » de Blaise Pascal, où je pressens davantage que, je ne perçois. Un ordre qui rassemble, réconcilie tout, sous l’oeil circonspect des dieux mais le regard bienveillant des Muses.
Jean Charles Remy
By countesy of Westland Edition

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ELLE ET TOI
S'il t'arrivait de voir une larme captive
Ronde, tiède, irrisée et qui ne veut vibrer,
Au bord de ses longs cils appraître furtive
Laisse-là en tes mains se perdre sans trembler.
Parle-lui doucement, pour qu'elle ouvre les yeux,
de l'immense soleil auprès de la fontaine
Où l'écheveau du ciel y dévide son bleu
Comme fait la fileuse avec ses brins de laine.
Dis-lui qu'avant de naître ne meurent pas les roses
Dans les bras d'un printemps qui explique tout bas
que toute la nature et puis ses mille choses
Sont les seuls souvenirs dont on ne souffre pas.
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PENSER LA MÊME CHOSE
Penser la même chose et ne pas se le dire,
Est une vraie douceur car c'est n'être plus qu'un,
Quand langoureusement la clarté se retire
Dans le même silence et le même parfum.
Et c'est dans la douceur qu'aussi on s'habitue
Dans le calme du soir à pouvoir comprendre
Tout ce que voulait dire cette voix qui s'est tue
Mais qui raisonne en soi pour bien se faire entendre.
Sentir sur sa main comme un souffle léger,
Alors que dans la nuit le vent s'est endormi,
C'est aussi la douceur, celle d'un long baiser
Qu'on peut imaginer quand une étoile luit.
Penser la même chose et aux mêmes instants,
Est une vraie douceur qui tendrement se penche
Sur un regard perdu dans lequel le vent
A semé quelques larmes couleur de pervenche.
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COLLIER DE BOIS
Lorsque sur la nuit noire le silence est tombé,
Les heures sont nombreuses jusqu'au petit matin,
Et j'écoute le temps entre mes mains glisser,
Comme un collier de rêves dont je compte les grains.
Oh ! Ils n'ont pas d'éclat, ni même de brillant,
Ils ressemblent plutôt à des perles de bois
Que rien ne peut ternir, ni la pluie, ni le vent,
Mais qui sont plus fragiles qu'un petit brin de soie.
Si j'ai choisi le bois et non pas une pierre
Pour y cacher mes rêves, mes joies et quelques pleurs,
C'est que l'un a un coeur, et l'autre n'en a guère,
Et puis que sur le bois il y pousse des fleurs.
Et ce collier de rêves qui glisse entre mes doigts,
Parfois je te le prête, sans vraiment que tu saches
Qu'il est tout le poème qui me parle de toi,
Et que pour le briser, il ne faut pas de hache.
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